Comment l’arbre est-il le maître des sols ?
L’arbre, tous les ans, fait tomber des feuilles et des branches mortes sur le sol. Ces feuilles et ces branches sont attaquées au sol par une faune qu’on appelle épigée (de surface). Cette faune est formée de collembolles qui attaquent les parties tendres des feuilles, d’acariens qui se chargent des nervures, de cloportes qui mangent le bois, de nématodes et de petits vers qui mangent les parties plus fines. Cette faune mange et fait des crottes. Ces fragments et ces crottes forment des petits agglomérats, c’est la matière organique (MO). Les champignons basidiomycètes, seuls organismes au monde capables d’attaquer la lignine, vont transformer ces crottes en humus [1]. Grâce à l’humus, dans la forêt il n’y a pas d’érosion par la pluie, même par de fortes pluies. La fabrication d’humus se fait à la surface du sol avec de la MO. Ce qui fait du labour, destructeur massif des sols, une absurdité parce qu’il met la matière organique sous le sol. Or la faune épigée ne vit pas sous le sol mais à la surface du sol.
Retenons ceci : La fabrication d’humus se fait à la surface du sol avec de la matière organique (MO). Sans elle, le sol n’est plus nourri.
Les arbres travaillent le sol avec des alliés précieux et un double enracinement :
– un système racinaire horizontal sous la MO. Au printemps, l’humus formé en automne-hiver par les basidiomycètes va être minéralisé par les bactéries quand le sol va se réchauffer. Les champignons font l’humus, les bactéries minéralisent. En minéralisant, les bactéries libèrent l’azote (N) et le phosphore (P) qui descendent avec l’eau de pluie. Les racines horizontales récupèrent ces minéraux et les renvoient dans la frondaison. Le système sol-plante est fermé dans la nature, il n’y a pas de fuite. Sous les arbres, les nappes phréatiques sont propres parce que l’arbre a mis ses racines sous la matière organique. La bêtise du labour c’est de mettre la MO sous les racines : quand les racines arrivent, le N (azote) et le P (phosphore) sont déjà partis dans les nappes.
C’est la 1e leçon : Ne jamais enfouir la MO dans le sol.
– un système racinaire pivotant appelé « pivot » qui descend jusqu’à la roche-mère. Si l’arbre est fissuré, la racine continue son chemin (record d’enracinement sous un chêne 150m de profondeur). Les spéléologues voient dans les grottes, le long des racines des arbres, l’eau qui ruisselle. L’arbre est le seul organisme du monde capable de prendre l’excédent d’eau de pluie, de l’envoyer le long de ses racines dans lequel il va absorber tous les éléments nutritifs et d’emmener cette eau pure dans la nappe phréatique. C’est pour ça que l’arbre est indispensable dans le fonctionnement de la planète, il est le seul capable de remplir la nappe phréatique. À cette profondeur-là, la racine de l’arbre est en contact avec la roche. Elle va sécréter des acides capables d’attaquer le caillou et de le transformer en argile. Des racines meurent et d’autres arrivent. La faune endogée (en profondeur) est spécialisée dans la consommation des racines mortes, le nettoyage et la libération de nouvelles galeries pour les racines suivantes (cette faune est aussi formée de collembolles, d’acariens, de vers, mais petits et aveugles, chargés du nettoyage des racines…). Pour avoir une idée du travail de cette faune : un pied de blé fait 200 km de racines et 5000 km de poils absorbants.
L’argile est produit en profondeur, l’humus en surface. Argile et humus vont se rencontrer grâce à une 3e faune : les vers de terre (dans les pays tropicaux, ce sont les termites qui remplissent ce rôle). C’est la faune anécique (déplacements verticaux). Ils habitent des galeries et font le va-et-vient entre l’humus et l’argile. Ils prennent la MO et l’emmènent en profondeur. Ils en remontent de l’argile. Ils vident leur intestin en surface : les tortillons appelés « turicule » (argile et humus mélangés). Le ver de terre a dans son intestin une glande (la glande de morène) qui est très riche en calcium. Le calcium est un ion qui va apporter une charge positive à l’argile et une charge positive à l’humus. Le ver de terre fabrique donc du « complexe argilo-humique ». C’est le ver de terre qui fabrique la terre (il rejette son poids de terre tous les jours). Le 1er scientifique qui va s’y intéresser est Darwin en constatant les couches archéologiques dans les sols. Non, les cailloux ne remontent pas à la surface, c’est la terre qui descend. C’est toujours le travail des vers de terre.
La 2e leçon : Accepter que des petits organismes travaillent 100 fois mieux que des gros engins !
Seuls, les vers de terre fabriquent la terre
Sources :
Vidéo youtube Claude Bourguignon, protéger les sols pour préserver la biodiversité (23 mn)
Vidéo youtube Claude Bourguignon nouvelles techniques d’assolement (1h09)